Pour mon collègue député du Cantal, Vincent Descoeur, cette mesure est un fiasco total. Je partage son point de vue et vous propose de retrouver ci-dessous son interview parue dans Le Figaro mercredi 9 janvier 2019.

LE FIGARO. – Après expérience, est-ce si difficile de conduire à 80 km/h au lieu de 90 km/h ?

Vincent DESCOEUR. – Ces six premiers mois de pratique confirment ce que l’on savait : cette nouvelle vitesse est une contrainte supplémentaire pour les territoires ruraux et provoque un ralentissement général de la circulation sur les routes. Des convois de véhicules lents, que l’on ne voyait pas jusqu’alors, créent des points de blocage avec des répercussions sur l’ensemble du maillage routier principal. Des conducteurs qui redoutent l’excès de vitesse circulent désormais en deçà de la vitesse autorisée et des poids lourds poussant à la roue sont pris dans ces cortèges. Conséquence préjudiciable : les distances de sécurité ne sont plus respectées. Dans ces conditions nouvelles de trafic, j’ai relevé que ma vitesse moyenne est désormais de 60 km/h. Ainsi, je perds régulièrement 10 minutes sur mes trajets habituels et jusqu’à 15 minutes pour rejoindre l’autoroute.

La population est-elle toujours aussi vent debout contre cette me- sure ?

La colère des habitants ne retombe pas et je continue à recevoir quantité de courriers contre cette décision. L’exaspération toujours palpable de la population se mesure au nombre de radars endommagés ou mis hors service avec un sac couvrant le matériel. Dans le Cantal, sur la quinzaine d’appareils dénombrés, un seul, à un certain moment, fonctionnait. Cette baisse de la vitesse a été le point de départ de la crise des « gilets jaunes ». La population des territoires s’est sentie méprisée et humiliée par ce pouvoir parisien, arrogant et suffisant. La France des autoroutes et des lignes TGV cherche à faire toujours plus vite quand la France des petites routes départementales et des lignes de train qui ferment est désormais condamnée, au contraire, à moins se presser. Comme si la vie, ici, ne présentait aucun intérêt et que les minutes des uns valaient moins que celles des autres. Nous, les élus de terrain, on avait vu venir cette colère grandir, mais on ne nous a pas écoutés.

Pensez-vous que la population pourra se faire à cette baisse ?

Cette mesure est un fiasco total. La sécurité routière était un sujet de préoccupation partagé depuis de nombreuses années, or le gouvernement a réussi l’exploit de briser cette adhésion et de braquer les Français. Ce mépris a aujourd’hui créé une fracture entre une grande partie de la population et ses dirigeants au sommet de l’État.

Que demandez-vous ?

Je souhaite que l’expérimentation de cette mesure, prévue sur deux ans comme l’avait indiqué le premier ministre, soit ramenée à un an. Par ailleurs, dans le cadre du grand débat national annoncé pour répondre à la crise des « gilets jaunes », je demande que ce 80 km/h soit un thème retenu et de nouveau débattu. À côté des thèmes déjà prévus – la transition écologique, la fiscalité et les dépenses publiques, la démocratie et la citoyenneté, l’organisation de l’État et des services publics – , je souhaite que l’on aborde aussi le sujet non moins important de la mobilité. Par le biais des associations des maires de France et des départements, je vais sensibiliser les élus locaux sur le sujet.

Rejetée en juin dernier, la proposition de loi que vous aviez déposée pour ne pas généraliser le 80 km/h pourrait-elle aujourd’hui être votée ?

J’espère que la crise des « gilets jaunes » aura opéré un vrai changement dans les mentalités. Ma proposition de loi avait pour objectif de ne pas généraliser le 80 km/h mais de laisser le soin aux responsables des départements d’adapter les vitesses, notamment. Dans les coulisses, nombre de députés de la majorité m’avaient adressé leur soutien mais dans l’Hémicycle, la discipline de vote a joué et ce texte a été rejeté. Aujourd’hui, je ne suis pas certain que cette discipline serait autant respectée. Si rien ne bouge dans ce domaine, une fois le grand débat national passé, je me réserve la possibilité de présenter un nouveau texte sur le sujet.

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