Je soutiens les petites entreprises qui disent non au prélèvement à la source qui, chaque jour, réserve son lot de surprises très bien décrites par mon collègue Eric Woerth dans une tribune parue dans Le Figaro.
« Le prélèvement à la source n’a rien d’anodin. Il aura une conséquence visible et dommageable pour les contribuables comme pour les entreprises, en particulier les TPE et PME.
Le rôle d’une entreprise est d’entreprendre, investir, créer de l’emploi, et redistribuer ces profits en salaires. En aucun cas, elle n’est un agent du fisc. En les transformant contre leur gré en collecteur d’impôt, le gouvernement, loin de leur simplifier la vie, va compliquer leur quotidien : adaptation de leur système de paie, gestion quotidienne du prélèvement, temps passé à répondre aux questions de leurs salariés, nouvelles responsabilités juridiques. Certes, les entreprises prélèvent déjà la CSG, mais celle-ci n’a pas un taux individualisé. S’ajoute à cela l’enjeu, si sensible en France, de la confidentialité des données fiscales.
Le prélèvement à la source, en outre, affecte directement le pouvoir d’achat des Français. Lorsque arrivera, en janvier 2019, la première fiche de paie avec un salaire largement raboté, l’effet psychologique sera considérable, pouvant entraîner des tensions sociales et salariales au sein même de l’entreprise. La valeur du travail s’en trouvera visuellement amoindrie, avec le sentiment de perdre drastiquement en pouvoir d’achat. Le risque que les Français ralentissent leur consommation est une réalité.
« Le prélèvement à la source affecte directement le pouvoir d’achat des Français. »
L’impôt sera par ailleurs plus important pour de nombreux contribuables, en 2019, compte tenu de l’évolution à la hausse des salaires. Selon l’Inspection générale des finances, 60 % des contribuables (soit 10,5 millions de foyers) devraient voir leurs revenus augmenter l’année prochaine et paieront donc, en 2019, un impôt supérieur à ce qu’ils auraient payé sans le prélèvement à la source.
La perte de pouvoir d’achat sera particulièrement injuste pour les jeunes entrants sur le marché du travail. Jusqu’à présent, ils bénéficiaient d’un « répit fiscal », ne payant pas d’impôt la première année. Il faut dire que c’est une année de rupture, souvent une nouvelle vie commence pour eux. Ces jeunes gens pouvaient ainsi mieux faire face aux frais liés à leur installation professionnelle et familiale (caution du premier loyer, frais de déménagement ou encore achat d’une voiture). À présent, les nouveaux actifs seront accueillis dans le monde du travail par le paiement immédiat de l’impôt. En somme, le gouvernement a décidé la hausse de la CSG pour les retraités et l’impôt sur le revenu tout de suite pour les jeunes !
Enfin, les contribuables bénéficiant de réductions ou de crédits d’impôt verront leur pouvoir d’achat amputé en début d’année puisque leur remboursement intégral n’interviendra qu’en milieu d’année. Pour répondre aux inquiétudes, le gouvernement a annoncé, pour les bénéficiaires de certains crédits d’impôt (service à la personne, frais de garde d’enfants et réduction d’impôt Ehpad), une avance de 30 % versée en janvier 2019. C’est insuffisant et la trésorerie des Français « va faire » la trésorerie de l’État.
« Le gouvernement annonçait une réforme simple et indolore. Or elle se révèle chaotique et risquée. »
Cette réforme était censée être simple et indolore. Or, plus le temps passe, plus elle paraît chaotique. Après son report de 2018 à 2019, après l’acompte sur les crédits d’impôt, nous apprenons que la réforme est repoussée à 2020 pour les 250 000 salariés à domicile imposables (babysitter, aide aux personnes âgées, assistantes maternelles).
Et si la solution était tout simplement de renoncer à cette réforme ? Le prélèvement à la source est une mauvaise réponse à une bonne question, celle de la simultanéité de l’impôt et des revenus attendue par de nombreux Français qui aspirent à plus de sécurité et de souplesse face aux aléas de la vie professionnelle. Mais la bonne réponse réside dans un prélèvement mensualisé et contemporain des revenus, tout en conservant le lien direct et exclusif avec l’administration fiscale. Celle-ci a les moyens de collecter quasi simultanément l’impôt via la déclaration sociale nominative (DSN), canal par lequel circulent déjà les cotisations sociales. Le contribuable peut ajuster sa situation en temps réel si elle évolue et l’entreprise se concentrer sur son activité sans avoir à assurer le rôle du fisc.
C’est une chose de prélever l’impôt à la source en diminuant visuellement le salaire mensuel. C’en est une autre de percevoir un salaire et, ensuite, de prélever l’impôt directement sur le compte bancaire, et non sur la feuille de paie. Ce système est plus simple, moins coûteux pour les entreprises, et plus respectueux de la confidentialité. Un scénario qui répondrait à la fois aux attentes des contribuables et aux craintes des entreprises. Il n’est pas encore trop tard pour revenir en arrière. * Ancien ministre du Budget et des Comptes publics. »