Aujourd’hui, je vous propose une note très instructive de mon collègue Eric Woerth concernant l’audit 2017 de la Cour des Comptes.
La France est dans une situation budgétaire très grave et à la traîne de l’Europe :
- Déficit public : En 2016, la France a réduit son déficit de seulement 0,2 point de PIB contre -0,7 point pour l’ensemble des pays de l’UE
- Dépense publique : La France a le plus haut niveau de dépense de l’UE avec 56,2 % du PIB
- Dette publique : Elle atteint 96,3 % du PIB, c’est 30 points de plus que l’Allemagne
2018 présente de nombreux risques :
- Hausse de certaines dépenses : Défense, grands projets d’infrastructures de transport
- Hausse du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne
- Moindre niveau du montant des dividendes reçus par l’État
- Apparition de probables nouveaux contentieux fiscaux
- Hausse des taux d’intérêt qui pourrait augmenter la charge d’intérêts de près de 4 Md€
I. Sans surprise, l’objectif de réduction de déficit public pour 2017 ne devrait pas être atteint
- Le gouvernement de François Hollande a échoué à assainir les comptes publics comme il s’y était pourtant engagé. La Cour des Comptes confirme ce que l’on savait déjà : le déficit public prévu en 2017 devrait atteindre les -3,2 %, contre les -2,8 % annoncés.
- François Hollande laisse également un déficit en 2016 supérieur à celui de 2013, si l’on ne tient pas compte des éléments exceptionnels.
- Concrètement, nous assistons à un dérapage de plus de 8 Md€ par rapport à nos objectifs pour 2017. Alors même que durant 5 ans, le gouvernement de François Hollande a bénéficié de conditions économiques exceptionnelles (baisse des taux d’emprunt, cours du pétrole bas, baisse du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne) mais n’a jamais su en profiter. Ainsi, d’après la Cour des Comptes, plus de 40% de la réduction du déficit public est attribuable à la baisse de la charge d’intérêts.
II. La France de plus en plus à la traîne du reste de l’Union européenne
- Evolution de la dépense publique, réduction du déficit publique et de la dette, la France reste avec l’Espagne, la lanterne rouge de l’Europe.
- Avec une amélioration de seulement 0,2 point de PIB en 2016, la France a réduit son déficit à la vitesse de l’escargot. Bien moins rapide que l’ensemble des pays de l’UE (- 0,7 point) et de la zone euro (- 0,6 point). Situés juste derrière l’Espagne, nous avons le déficit public le plus élevé de l’UE et sommes les deux seuls pays en procédure de déficit excessif.
- L’amélioration de notre déficit public ne peut être possible sans un effort conséquent sur la dépense publique. Pourtant, depuis 2016, la France a atteint le 1er rang de l’UE pour le niveau de ses dépenses publiques (56,2 % du PIB). Nous nous situons à 12 points au dessus de l’Allemagne mais sans que cela se traduise par de meilleurs résultats en matière d’emploi, de logement, d’éducation, ou de formation.
- Au cours de la seule année 2016, la dette publique a augmenté de près de 50 Md€ et représente désormais 96,3 points de PIB. C’est 30 points de PIB de plus que l’Allemagne et 7 points de plus que la zone euro ! A terme, cette situation est insupportable. Avec une dette détenue aux deux tiers par des investisseurs étrangers, nous risquons plus que jamais de perdre notre souveraineté nationale. En particulier avec la remontée des taux observée fin 2016.
III. Des recettes gonflées et des dépenses surestimées, la Cour confirme ce que les Républicains ont clairement dénoncé : le budget pour 2017 était insincère
- Gilles Carrez et moi-même, avons alerté à maintes reprises le gouvernement et l’opinion publique sur la dérive dangereuse des comptes publics et l’insincérité du budget pour 2017. Lorsque le gouvernement de François Hollande a transmis le Programme de stabilité de la France à la Commission européenne en avril 2017, il savait déjà que son budget ne serait pas sincère pour pouvoir rester dans les clous.
- Dans son rapport, la Cour des comptes va même jusqu’à parler « d’insincérité » du budget de l’Etat. Autrement dit, la majorité précédente a sciemment dissimulé la vérité des chiffres. Ce budget risque même d’être invalidé par le Conseil constitutionnel.
- Mis en cause par la Cour des Comptes, je souhaite que l’ancien ministre des Finances Michel Sapin et son secrétaire d’État au Budget Christian Eckert, soient prochainement auditionnés par la Commission des Finances.
- En 2016, le gouvernement a volontairement sous-budgétisé pour près de 4 Md€ de dépenses. C’est notamment le cas du :
– coût des opérations extérieures (Opex) (800 000 M€)
– le plan de formation des 500 000 chômeurs (800 000 M€)
– les contrats aidés (600 M€)
– la recapitalisation d’Areva (2,5 Md€), que le gouvernement n’avait pas jugé bon d’inclure dans le calcul du déficit.
– Des dépenses de retraites (500 M€) … - La Cour des comptes pointe également 2 Md€ de moindres recettes (moins de retours d’évadés fiscaux principalement).
IV. L’objectif d’Emmanuel Macron est de suivre le même rythme de diminution du déficit public que François Hollande
- Aujourd’hui, nous assistons de la part du gouvernement d’Emmanuel Macron, à un véritable numéro de dramatisation. Le Premier ministre a mis en scène la publication de cet audit annuel de manière électoraliste, en faisant mine de découvrir la situation et de s’en offusquer. Pourtant, il n’ignorait rien et pourrait même reconnaître sa propre responsabilité en la matière puisque Emmanuel Macron était bien ministre de l’Économie jusqu’à l’été 2016. Ce sont ses arbitrages qui ont été traduits dans les textes budgétaires l’automne suivant.
- François Hollande n’aurait pas pu réduire plus lentement le déficit public de la France avec un rythme moyen de seulement 0,3 point de PIB par an sur la période 2011- 2016. Dans cette droite ligne, le Premier ministre, Edouard Philippe, s’est engagé sans grande ambition, à « contenir le déficit à 3% dès cette année”. Concrètement, il souhaite réduire de seulement 0,2% le déficit en 2017. C’est à peine 4 Md€ ! Ne nous y trompons pas, cet effort est à la portée de tous. La situation budgétaire de la France est extrêmement grave, et mérite un effort à la hauteur de notre déficit. Leur objectif minime nous pousse à présent à douter sérieusement des capacités du gouvernement à réduire la dépense publique.
V. 2018, une équation budgétaire intenable sans un effort conséquent pour réduire la dépense publique
- L’équation budgétaire va encore se compliquer pour Emmanuel Macron en 2018 avec la montée en charge de certains engagements pris par l’État de plus de 12 Md€, en matière de masse salariale (recrutements, protocole « parcours professionnels carrières et rémunérations ») ou d’autres dépenses (lutte contre le terrorisme, dépenses d’investissement en infrastructures de transport, soutien aux énergies renouvelables…).
- Aux dépenses de François Hollande s’ajouteront celles d’Emmanuel Macron, qui devra honorer ses promesses de campagne pour près de 30 Md€ dès 2018 : comme la première tranche du plan d’investissement de 50 Md€ (5 Md€ pour 2018), le recentrage de l’ISF sur l’immobilier (2 Md€), ou encore la transformation du CICE en baisse de cotisations patronales (20 Md€).
- Mais rien dans le programme d’Emmanuel Macron n’est de nature à retrouver l’équilibre budgétaire. Sur les 60 milliards d’euros d’économies qu’il affiche, auxquelles il faut retirer 50 milliards d’euros d’investissement et de dépenses de fonctionnement, il ne reste que 10 milliards d’euros d’économies annoncées