Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 4 octobre 2017

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 2

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente

La réunion débute à 16 h 35.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.

La Commission examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat, pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes et des communautés d’agglomération (n° 86) (M. Fabrice Brun, rapporteur).

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Chers collègues, nous reprenons nos travaux avec l’étude d’une proposition de loi inscrite à l’ordre du jour du jeudi 12 octobre prochain, journée réservée aux initiatives du groupe Les Républicains sur le fondement de l’article 48, alinéa 5 de la Constitution. Je cède donc la parole au rapporteur, M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun, rapporteur. Cette proposition de loi, adoptée à une large majorité par le Sénat en février dernier, porte sur un sujet très circonscrit mais néanmoins extrêmement important pour nos territoires puisqu’elle vise à permettre aux collectivités de conserver la liberté de déterminer l’échelon le plus pertinent, entre la commune et la communauté de communes ou la communauté d’agglomération, pour l’exercice des compétences « eau » et « assainissement ».

Il s’agit ainsi de revenir sur ce que je considère comme une erreur d’appréciation : le transfert obligatoire à l’échelon communautaire de ces compétences, résultant de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), n’a pas pris toute la mesure des réalités de terrain qui, en matière de gestion de l’eau, s’imposent aux élus.

Qu’on le veuille ou non, les caractéristiques physiques des territoires décident de la façon dont sont exercées ces compétences « eau » et « assainissement », ce qui les différencie fortement des autres compétences à la charge des collectivités. Or, ces caractéristiques varient très fortement selon les territoires, en fonction de la présence d’eaux superficielles ou d’eaux souterraines par exemple, de l’emplacement des bassins versants, du relief, de la nature des sols et d’une multitude de facteurs qui se combinent.

D’autres critères, davantage liés à l’activité humaine, influencent également les conditions d’exercice de ces compétences : un territoire urbain, densément peuplé et un territoire périurbain, rural ou de montagne à l’habitat diffus ne sont pas soumis aux mêmes problématiques. De même, certaines activités entraînent des pollutions spécifiques qui appellent des réponses adaptées pour les territoires concernés.

Face à cette diversité, les élus locaux font jusqu’à présent preuve de pragmatisme et de bon sens, considérant que la priorité, surtout en matière d’eau, est d’assurer un service public de qualité. En effet, tous les élus locaux savent que l’une des principales préoccupations de leurs citoyens est de disposer d’une eau répondant aux critères sanitaires en vigueur pour un coût maîtrisé, ce qui implique de connaître très finement les réseaux et de réaliser des investissements réguliers.

Pour répondre à cette exigence légitime de nos concitoyens, les collectivités se sont organisées au fil du temps, selon les besoins constatés localement. Lorsque la mutualisation s’imposait pour réaliser des investissements lourds ou répondre à des contraintes techniques particulières, elle s’est faite naturellement au sein de syndicats mixtes, pouvant réunir des communes et des intercommunalités chargées de ces compétences. Au contraire, lorsque les réseaux étaient éloignés et très dissemblables, les communes ont continué à gérer à leur échelon l’approvisionnement en eau et l’assainissement.

Nous avons entendu, au cours des auditions, les arguments des associations représentatives des communes et des intercommunalités. Nous avons d’ailleurs le plaisir de pouvoir compter, au sein de la commission, sur M. Olivier Dussopt, président de l’Association des petites villes de France – c’est l’occasion de le féliciter pour sa récente réélection. Nous bénéficierons de son expertise puisqu’il a été rapporteur de la loi NOTRe. Il ressort de ces échanges que la principale raison des oppositions à ce texte s’explique par le souhait de ne pas revenir sur la loi NOTRe. A contrario, de nombreuses associations d’élus locaux – l’Association des maires de France (AMF), l’Association nationale des élus de la montagne (ANEM) et l’Association des maires ruraux de France (AMRF) – soutiennent fortement ce texte et ont à plusieurs reprises adopté des motions en ce sens.

Comme je vous l’ai déjà dit, l’objet de ce texte n’est pas de revenir sur la volonté de la loi NOTRe de promouvoir l’échelon communautaire mais bien de nous intéresser au sujet, très spécifique, du transfert de l’eau et de l’assainissement. C’est notre rôle, en tant que législateurs, d’apporter, lorsque c’est justifié, des corrections aux textes que nous avons votés, sans pour autant en changer la portée générale. Le président de l’Assemblée nationale a d’ailleurs récemment dit tout son intérêt pour des propositions de loi à objet unique ou au nombre d’articles restreint.

Quels sont les avantages du transfert de compétences que l’on veut imposer ? Une plus grande convergence des prix de l’eau ? Rien n’est moins sûr puisque les intercommunalités pourront conserver plusieurs modes de gestion sur leur territoire si cela est justifié et donc plusieurs prix. Plus de compétences techniques pour davantage d’investissements ? Encore une fois, pas nécessairement puisque, aujourd’hui, les équipes communales connaissent parfaitement leur réseau et les données publiées par l’Observatoire national des services d’eau et d’assainissement ne font pas état d’un moins bon entretien des réseaux communaux. Une baisse des prix ? À nouveau, le prix n’est pas fonction de la mutualisation mais des conditions locales d’exploitation des réseaux et de mobilisation de la ressource en eau.

Il ne faut donc pas être dogmatique – je dirais même qu’il faut être pragmatique – en la matière. Le maintien de certaines compétences optionnelles au niveau des communautés de communes et des communautés d’agglomération n’est pas synonyme de mauvaise gestion, bien au contraire. Il faut faire confiance aux élus locaux, et notamment aux maires, ces élus de proximité qui constituent la première figure publique vers laquelle se tournent nos concitoyens lorsqu’ils rencontrent une difficulté. Après tout, ce sont ces élus qui définissent chaque jour, au travers de leurs actions, les politiques locales les plus adaptées à leur territoire. Ce sont eux qui apprennent à se faire confiance, souvent d’ailleurs au-delà des appartenances politiques, pour conduire des projets d’intérêt communautaire. Ce sont également eux qui expliquent aux habitants de leurs communes l’intérêt que peut représenter une intercommunalité dynamique, qui semble pourtant parfois éloignée des préoccupations de ces derniers.

Laisser le choix aux communes de définir ensemble leur projet communautaire n’est pas une proposition archaïque ou réactionnaire. Au contraire, elle n’a jamais été plus d’actualité puisque même le Président de la République a rappelé récemment la nécessité d’encourager la différenciation territoriale pour mieux prendre en compte les besoins de chaque territoire et pour redonner aux élus locaux toute la confiance qu’ils méritent.

Nous ne demandons que cela : qu’en matière d’eau et d’assainissement, les élus locaux soient libres de définir l’organisation territoriale la plus efficace au regard des contraintes locales qu’ils rencontrent et la plus juste pour leurs citoyens. Certains décideront de transférer cette compétence, d’autres de la conserver à l’échelon local, au plus près de l’intérêt des territoires et des citoyens. Tous ceux qui se sont investis dans leur territoire le savent, cette liberté s’accompagne d’une forte responsabilité. Par l’adoption de cette proposition de loi utile et sobre, nous pouvons témoigner notre confiance aux élus locaux et cette confiance nous sera rendue demain lorsqu’il s’agira de continuer à avancer dans l’organisation territoriale de la France.

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