1/ Ce soir, le Président de la République doit être au rendez-vous.

La réponse est entre les mains du Président de la République, c’est lui qui a la clé de sortie d’un conflit qu’il a largement contribué à amplifier, la clé de la suite de son quinquennat.

Nous attendons une parole forte et concrète.

Il faut d’abord qu’il mette un coup de canif à son orgueil en reconnaissant le bien fondé du combat des gilets jaunes. En annonçant des mesures simples et immédiates pour le pouvoir d’achat. L’annulation des taxes sur le carburant pour 2019 est insuffisante : trop peu et trop tard, témoin d’un pouvoir à contre- temps permanent.

Il doit enfin être au rendez-vous. Les propositions ne manquent pas :

  • Suppression de l’augmentation de la CSG pour tous les revenus (salaires et retraites) inférieurs au revenu médian français de 1800 euros.
  • Retour de l’exonération sociale et fiscale des heures supplémentaires, injustement supprimées en 2012.
  • Ré-indexation sur l’inflation des pensions de retraites, des APL, des allocations familiales et des pensions d’invalidité…

J’insiste sur la question des retraites, car les retraités ne doivent pas être les oubliés de ces mesures concrètes en faveur du pouvoir d’achat.

Une fois ces mesures concrètes et immédiates annoncées, le Président doit donner un nouveau cap à sa politique, pour un nouveau contrat social, avec plus de dialogue, moins de verticalité. Redonner la parole aux Français, aux territoires, les écouter enfin, pour un véritable Grenelle de la fiscalité et du pouvoir d’achat.

Il doit maintenant se souvenir qu’il a été élu par défaut, par rejet des extrêmes. Le mépris doit faire face à l’humilité.

En tenant enfin la promesse d’une nouvelle façon de faire de la politique, car ce nouveau monde annoncé est dans ses pratiques jupitériennes le pire de l’ancien monde. Les Français ne veulent pas d’un monarque, mais d’un homme qui les comprend et parle à leurs cœurs.

2/ Comprendre les Français et leur quotidien, le faire remonter inlassablement au plus haut niveau.

C’est ça la fonction première d’un député. Bien sûr nous sommes là pour fabriquer la loi, contrôler l’action du gouvernement.

Mais un député c’est d’abord un Français comme les autres, un Français parmi les autres, un Ardéchois parmi les Ardéchois. Il parle comme le peuple, pour et par le peuple. C’est ça un député !

Et certainement payons-nous dans la situation actuelle, le recrutement des députés de la majorité sur internet trois mois avant les élections législatives de 2017.

Cela faisait moderne à l’époque. On voit où ces députés « hors-sol » ont conduit le pays, confortant l’exécutif dans ces choix injustes, alors qu’ils auraient dû l’alerter avec force sur la cocotte-minute en train d’exploser.

Je suis pour ma part travailleur indépendant. J’ai été salarié pendant 25 ans. Fils de paysan, je connais la réalité des gens.

Au final, le problème du Président c’est qu’il ne connaît pas la France, qu’il ne connaît pas les territoires, à l’inverse d’un Chirac par exemple, qui aimait « tâter le cul des vaches ».

Le peuple français est à la fois sage et révolutionnaire. Epris tout à la fois de démocratie et de justice. C’est « l’ordre juste » qu’avait si bien résumé Ségolène Royal.

L’éruption n’est jamais bien loin, même s’il faut condamner toute violence, car aucune cause aussi juste soit-elle, ne justifie la terreur.

De même qu’il faut soutenir nos forces de l’ordre protégeant une fois de plus les Français au péril de leur vie. Plus que jamais, la sécurité, est la première des libertés.

C’est l’injustice sociale, fiscale, territoriale qui a mis les Français dans la rue.

Je passe sur la gestion de crise incompréhensible depuis un mois, avec des mesures « trop peu, trop tard ».

Ce que nous ne supportons plus, c’est que ce soit toujours les mêmes qui payent, les classes moyennes et modestes.

3/ Les gilets jaunes

J’ai affiché d’emblée ma solidarité avec les gilets jaunes. Parce que leurs revendications sur le pouvoir d’achat sont conformes à celles que je porte au sein du groupe « Les Républicains » depuis 18 mois à l’assemblée nationale.

Est-il utile de rappeler que dès octobre 2017, nous avions interpelé le gouvernement sur la bombe à retardement que constituait l’augmentation sans précédent de la fiscalité sur le fioul et les carburants. Nos amendements à la loi de finances pour 2018, comme pour 2019 d’ailleurs, ont été balayés d’un revers de manche.

Moi aussi, je ne manque pas une occasion à l’assemblée nationale de pousser ce cri de refus d’une France à deux vitesses.

Mais je me suis toujours préservé de toute récupération politique. Seul Jean Lassalle, pour qui j’ai la plus grande estime, peut arborer un gilet jaune dans l’hémicycle, car quand c’est lui qui le fait, c’est perçu comme un soutien. Il est unique et inimitable. Tout autre député essayant de l’imiter serait aussitôt taxé de récupération politique. C’est ainsi.

Les gilets jaunes ont le mérite d’avoir initié ce mouvement populaire spontané, d’avoir réveillé les consciences, d’avoir su mobiliser la France qui souffre en silence depuis trop longtemps. En effet, j’ai été marqué par le nombre de gilets jaunes que j’ai rencontrés qui manifestaient pour la première fois de leur vie.

Ils ont déjà gagné car demain ne peut plus être comme hier.

Il leur appartient désormais de trouver d’autres modes d’expression que des rassemblements infiltrés de casseurs et des blocages de circulation qui pénalisent l’économie française. Le commerce de proximité souffre.

Rien ne serait pire que de monter les Français les uns contre les autres, car cela ferait le jeu de ceux qui là-haut, espèrent diviser pour mieux régner.

Je le redis, le gouvernement et le Président de la République portent une lourde responsabilité qu’il leur faut désormais assumer par des annonces concrètes et un changement de cap politique.

Je le redis, les revendications sont justes. Mais leur mode d’expression doit évoluer. L’esprit de responsabilité et de fraternité doivent maintenant l’emporter pour renouer le dialogue et construire ensemble des solutions concrètes.

4/ Le pire des deux mondes.

Depuis les années 80, la France n’a pas engagé les réformes structurelles nécessaires. Rappelons que le dernier budget national voté en équilibre remonte à 1974 !

Nos élites ne savent faire qu’une chose : créer des impôts et des taxes. 40 nouvelles taxes sous le mandat de François Hollande qui a commencé en 2012 et 2013 par un choc fiscal d’une ampleur inédite, inconnue depuis la seconde guerre mondiale : près de 50 milliards d’euros supplémentaires ont été prélevés sur les entreprises et les ménages.

Le quinquennat de la République En Marche a emprunté le même chemin, y rajoutant le cynisme d’une illusion reposant avant tout sur « la cosmétique » de la communication.

Les masques sont désormais tombés. Nous n’avons pas réformé alors que les autres pays autour de nous le faisaient.

En punition nous avons eu le pire des deux mondes :

  • Plus de dépenses publiques, la France étant la championne du monde en terme de prélèvements, d’impôts et de taxes ;
  • Moins de services publics, de moindre qualité, les conditions de soins et de travail dans nos hôpitaux, nos EHPAD ou l’état catastrophique de nos routes sont là, à titre d’exemple, pour en témoigner.

Plus de dettes et moins de justice, plus de mots et moins d’actes. Voilà la triste réalité. C’est exactement le chemin inverse que notre pays doit désormais emprunter.

C’est ce que demandent les Français qui voient leurs services publics se paupériser. Et pourtant on leur demande de payer des taxes et des impôts. Ils en payent beaucoup, et même de plus en plus. Et de cela ils ne veulent plus. 

5/ « Je veux vivre et travailler au pays, en participant davantage à la décision publique. »

Il serait illusoire de penser que le mouvement des gilets jaunes s’arrête aux frontières du débat sur les taxes et le pouvoir d’achat. Bien sûr, c’est le mouvement des fins de mois difficiles, l’appel au secours d’hommes et de femmes qui veulent vivre et non survivre. Qui souhaitent plus de solidarité pour leurs aînés et un avenir meilleur pour leurs enfants. Qui brandissent l’étendard de la justice sociale, fiscale et territoriale.

Mais ce qu’ils mettent en débat sur la place publique, c’est aussi la façon de faire de la politique. Oui, il faut mieux associer les citoyens à la décision publique. Un nouveau cap pour la France ne peut s’exonérer d’un nouveau gouvernail citoyen.

D’autres pays voisins le font comme la Suisse. Pourquoi ne pas recourir régulièrement au référendum pour interroger les français sur les grands débats qui traversent notre société ? Les consulter tous les cinq ans à l’occasion des élections présidentielles et législatives n’est plus suffisant.

Dans ce contexte, le référendum d’initiative partagée prévu à l’article 11 de la constitution française pourrait être enfin utilisé : 185 soutiens parlementaires (députés et sénateurs) sont nécessaires, plus 10% des français inscrits sur les listes électorales.

On le sait, la crise migratoire est un enjeu mondial majeur. Est-il normal que le Président de la République signe le pacte sur les migrations de l’ONU sans, à minima, un débat à l’Assemblée Nationale ? Voilà un sujet qui mériterait d’être soumis à référendum pour faire entendre la voix des Français.

Autre exemple sur les accords internationaux, comme le Mercosur qui prévoit l’importation de viandes bovines en provenance d’Amérique du Sud nourries aux hormones et aux farines animales interdites en France. Croyez-vous que les Français valideraient cette décision qui va à l’encontre des intérêts de nos élevages traditionnels à l’herbe et d’une alimentation saine et durable ? C’est quand qu’on protège véritablement les agriculteurs et les consommateurs français ?

Depuis des décennies, les français ont l’impression qu’on leur impose un système qu’ils vivent comme inégalitaire, cette fracture entre les élites et les classes moyennes et populaires.

La mondialisation des économies, l’ouverture des frontières aux hommes comme aux marchandises, les délocalisations, la révolution numérique… tous ces processus menés tambour battant ont abouti à la relégation d’une majorité du peuple de France dans des zones de territoires où ils sont confinés à la survie.

C’est la France périphérique du géographe Christophe Guilluy, dont je continuerai à porter la parole avec le franc parler qu’on me connaît. Pour en finir avec le culte des métropoles qui concentrent les entreprises, les emplois et la valeur ajoutée. C’est ce que refuse la France des villes moyennes et des campagnes qui a endossé en masse le gilet jaune pour dire : « Je veux vivre et travailler au pays ».

En continuant à poser des questions concrètes pour alimenter le débat :

  • Pourquoi surtaxer les automobilistes, les artisans du BTP, alors que les cargos et le transport aérien sont exonérés et continuent de polluer en silence ?
  • Pourquoi les GAFA, ces géants du numérique, ne payent pas ou si peu d’impôts en France ? alors que nos entreprises, nos PME, TPE, artisans, commerçants, paysans, croulent sous les charges, les normes et la paperasse ?
  • Pourquoi la taxation sur les transactions financières ne figure-t-elle pas au cœur de la politique européenne ?

En voilà une bonne question, et bien d’autres, car le débat est ouvert, les citoyens ont repris la parole. Et ça c’est une très bonne nouvelle pour la démocratie dans notre pays.

Fabrice Brun, député de l’Ardèche.

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