La loi n° 2015-991 du 7 aout 2015 portant Nouvelle Organisation Territoriale pour la République (dite loi « NOTRe ») attribue, à titre obligatoire, les compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération, à compter du 1er janvier 2020.
Invoquant la liberté de choix des élus locaux, ainsi que les difficultés inhérentes à une harmonisation technique et juridique des modes de gestion de ces compétences, au sein notamment des vastes intercommunalités rurales, plusieurs sénateurs ont présenté, le 11 janvier 2017, une proposition de loi tendant à maintenir ces compétences, parmi les compétences optionnelles des communautés de communes.
Cette proposition de loi a été votée à l’unanimité par le Sénat le 23 février 2017, mais a toutefois été rejetée et renvoyée en Commission, le 12 octobre 2017, par l’Assemblée nationale.
Lors de la Conférence nationale des territoires du 14 décembre 2017, le Premier ministre Édouard Philippe a finalement confirmé un assouplissement du transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » au 1er janvier 2020, en ouvrant la possibilité d’y déroger jusqu’en 2026, sur la base d’une minorité de blocage des conseillers municipaux.
Cet infléchissement annoncé par le Premier ministre pose toutefois certaines questions : sous quelles conditions le transfert des compétences pourra-t-il être transitoirement gelé ? Avec quel impact sur le mode de gestion et le prix de l’eau ?
De nombreuses zones de flou persistent, tout d’abord, s’agissant des modalités de mise en œuvre de la période transitoire expirant en 2026.
Selon le Premier ministre, ce dispositif présentera « la même souplesse que celle qui a prévalu pour la mise en œuvre des plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi) ». Pour rappel, ce dispositif prévoyait la possibilité, pour les communes, de s’opposer au transfert de la compétence « PLU », dès lors qu’une minorité de blocage rassemblait au minimum 25 % des communes membres de l’établissement public de coopération intercommunale, représentant au moins 20 % de sa population totale.
Toutefois, les termes de cet infléchissement ne sont, pour l’heure, pas encore précisément déterminés : ce dispositif concernera-t-il également les communautés d’agglomération ? Quelle sera la minorité de blocage ? Le projet de loi, qui devrait être présenté par le gouvernement, au début de l’année 2018, répondra à l’ensemble de ces questions.
Quoi qu’il en soit, cet assouplissement devrait permettre aux intercommunalités destinées à se substituer dans l’exercice des compétences « eau » et « assainissement » aux communes et aux syndicats, d’anticiper les nombreuses difficultés inhérentes au transfert de ces compétences. Nous laissons volontairement de côté celles relatives au transfert de propriété et de charges des ouvrages.
En effet, les modes de gestion de ces compétences sont aujourd’hui très variés : régies, marchés publics, délégations de service public… Cette période transitoire permettra donc à de nombreuses communes de bloquer le transfert obligatoire initialement prévu au 1er janvier 2020, jusqu’à l’expiration des contrats souscrits, ou d’organiser leur résiliation, ou leur transfert.
Ainsi, la plupart des intercommunalités devraient pouvoir proposer, dès le transfert des compétences, un mode de gestion coordonné pour toutes les communes membres, et donc des tarifs harmonisés sur l’ensemble de leur territoire.
L’instauration de cette période transitoire ne gommera cependant pas les difficultés techniques relatives au transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement ».
Comme l’a rappelé Fabrice Brun, député de l’Ardèche, « en matière de gestion de l’eau et d’assainissement, le choix de la meilleure gouvernance dépend non pas de la carte administrative, mais d’une carte physique bien réelle ». Concrètement, la frontière des bassins hydrographiques ne correspond pas nécessairement, surtout dans les territoires ruraux, aux frontières administratives des communautés de communes et des communautés d’agglomération.
Cet infléchissement, en ce qu’il n’empêchera pas, in fine, le dessaisissement de communes et de syndicats techniques, ayant mis en place des modes de gestion parfaitement calibrés aux caractéristiques physiques des territoires, risque donc fort de ne pas pleinement satisfaire nombre d’élus locaux.
Arnaud Fourquet, Avocat au Barreau de Lille,