Pour les pays membres de l’Union européenne, l’interdiction du glyphosate sera appliquée dans 5 ans, et si le Président de la République respecte son engagement, la France sera en avance puisqu’il est question d’interdire l’usage de ce produit dans 3 ans. Rappelons en préambule qu’il s’agit d’un herbicide qui n’est pas chez nous pulvérisé sur les cultures, mais sur les plantes adventices appelées communément mauvaises herbes.

Aujourd’hui, l’abandon de cette molécule est acté. Il faut être pragmatique, préparer cette décision, poser les bonnes questions et réfléchir aux conditions de ce retrait.

Fils de paysan (et fier de l’être), technicien agricole de formation, je pose tout d’abord une question préalable valable pour toute suppression de matière active : les pouvoirs publics peuvent-ils imposer l’arrêt de l’utilisation d’une matière active, sans proposer aux agriculteurs français une solution alternative techniquement fiable et économiquement viable ?

C’est une question centrale que chaque agriculteur se pose légitimement sur le terrain, encore plus dans les zones où la mécanisation est rendue impossible par la pente. Il faut entendre cette interrogation émanant d’une profession, dont le quotidien est déjà compliqué, qui subit de nombreuses distorsions de concurrences dans un contexte d’aléas économiques et climatiques à répétition. 2017, annus horribilis est là pour en témoigner.

J’assume ce tropisme du terroir, en soulignant que la même question se pose pour l’usage du cuivre, autorisé en agriculture biologique pour lutter contre les bactéries et les champignons. En effet, le cuivre est aujourd’hui menacé alors qu’il représente une alternative aux produits chimiques de synthèse.

« Aller au bout de la démarche en refusant l’importation de denrées alimentaires en provenance de pays qui continuent d’utiliser le glyphosate. »

Mais en interdisant à terme l’utilisation du glyphosate, il nous faut être cohérent et aller jusqu’au bout de la démarche en refusant l’importation de denrées alimentaires en provenance de pays qui continuent d’utiliser ce type de matière active.

En effet, pourquoi continuer d’importer des denrées alimentaires qui ne respectent pas les mêmes normes sanitaires que nos productions ? Car dans ce cas, on détruit des pans entiers de notre agriculture sans pour autant protéger le consommateur, alors que l’objectif que nous poursuivons est de lui garantir une alimentation saine, durable et accessible.

« Protéger la santé des consommateurs français, tout en préservant la pérennité des exploitations agricoles familiales dont notre pays a tant besoin. »

Le débat en cours sur le traité de libre échanges avec les pays du Mercosur* illustre parfaitement cette contradiction. 70.000 tonnes de viandes bovines sud-américaines importées vont porter un coup fatal à nos filières d’élevage traditionnelles pendant que les français consommeront de la viande issue de bêtes nourries aux farines animales et aux activateurs de croissance. On marche sur la tête !

Voilà, à mon sens, une bonne façon de poser le débat, afin de véritablement protéger l’environnement et la santé des consommateurs français, en conjuguant cet engagement avec la pérennité des exploitations agricoles familiales dont notre pays a tant besoin.

On est là bien loin des polémiques médiatiques. Apprenons à nous méfier des réponses simples apportées à des problèmes complexes. Cela vaut pour le glyphosate comme pour bien d’autres problèmes contemporains.

Fabrice Brun, député de l’Ardèche.

*Actuellement en cours de négociations, l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les quatre pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay) inquiète agriculteurs comme associations de consommateurs. En cause, les différences de règlementations entre les deux régions qui font peser la menace d’une concurrence peu loyale entre producteurs européens et ceux du Mercosur. Par exemple, les farines animales ou l’utilisation d’antibiotiques comme activateurs de croissance y sont autorisés à la différence de l’Europe où ces procédés sont interdits. De même, alors que cet accord pourrait conduire à l’importation de près de 70 000 tonnes de viande bovine sud-américaine par an, il est important de se questionner en amont sur les procédures de traçabilité et de certification sanitaire pratiquées dans cette région afin que cet accord ne soit préjudiciable à la qualité nutritionnelle et hygiénique de l’alimentation des consommateurs européens. Par ailleurs, la récente découverte de fraude de l’exportateur de volailles brésilien BRF, qui aurait truqué ses analyses relatives à la présence de salmonelle dans celles-ci, démontrent le risque que peut poser ce type d’accords d’un point de vue sanitaire et hygiénique.

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