Monsieur le Président de la République,
Une fois de plus, le gouvernement est à contre temps des français. Alors qu’ils sont descendus dans la rue depuis plus de trois semaines maintenant, exigeant des mesures concrètes et immédiates pour leur pouvoir d’achat, votre proposition de suspension de certaines taxes pour six mois, tardive, insuffisante, n’est pas à la hauteur des enjeux. Votre réponse ne peut pas être uniquement sécuritaire, dans un pays plongé en moins de dix-huit mois au bord de l’insurrection.
Oui l’ordre républicain est une priorité partagée. Oui nous soutenons nos forces de l’ordre engagées dans une guérilla urbaine qui n’est pas digne de notre pays et que nous condamnons. Mais de grâce, investissez enfin avec force le champ politique et social. C’est d’autant plus pressant que notre économie n’a pas les moyens de s’engluer dans une crise sans fin, en particulier pour les secteurs les plus exposés que sont l’artisanat, le commerce, le tourisme, la restauration et les transports.
Bien sûr, on ne peut pas demander tout et tout de suite. Mais il n’est pas trop tard, vous pouvez encore dans les prochains jours prendre de véritables décisions pour désamorcer le conflit. Vous pouvez encore prendre en considération les propositions que nous vous faisons depuis de longs mois, et que nous réitérons aujourd’hui encore à l’Assemblée nationale :
- Annulation de la hausse sans précédent de la fiscalité sur les carburants au 1er janvier 2019 ainsi que de celles qui suivront en 2020, 2021 et 2022, selon une trajectoire carbone que vous avez décidée, totalement incompatible avec la réalité quotidienne de la mobilité des français.
- Suppression de l’augmentation de la CSG non compensée pour les retraités.
- Ré-indexation des pensions de retraite, des APL, des allocations familiales et des pensions d’invalidité sur l’inflation, laquelle inflation repart à la hausse et vous ne pouvez feindre de l’ignorer.
- Annulation du prélèvement à la source applicable dès le mois de janvier 2019.
- Exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires, une mesure qui a fait ses preuves pour valoriser le travail et le pouvoir d’achat, injustement supprimée en 2012.
Ces mesures concrètes et immédiates doivent préfigurer dans les prochaines semaines d’un véritable Grenelle du pouvoir d’achat pour plus de justice fiscale et sociale, associant tous les acteurs autour de la table, dont les Gilets Jaunes qui se structurent progressivement.
Ce mouvement spontané, populaire, d’essence citoyenne a réveillé cette France silencieuse. Elle vous demande d’entendre sa souffrance, de prendre la mesure de la gravité de la situation.
Il vous faut bien comprendre que ce sont des hommes et des femmes qui, bien souvent, manifestent pour la première fois. Loin de l’image de casseurs qu’une tentative avortée de manipulation médiatique a tenté de leur faire endosser, eux qui condamnent les violences et protègent la tombe du soldat inconnu en chantant la Marseillaise.
Ils sont ouvriers, fonctionnaires, artisans, paysans, commerçants, retraités, pompiers, demandeurs d’emplois… Ils sont la France qui travaille ou pas. Leur point commun c’est les fins de mois difficiles. Ce sont les sacrifices qu’on leur demande sans retour.
Un sacrifice sans espoir qui ne peut conduire qu’au désespoir.
On leur demande toujours plus et rien ne s’améliore, ni pour eux, ni pour leurs enfants. Pire, pour la première fois depuis un siècle, les parents savent que leurs enfants vivront moins bien qu’eux.
Ils travaillent à temps complet ou à temps partiel subi, et doivent tout payer : le plein de carburants, leur facture d’eau, d’électricité, de chauffage, leur loyer, leur crédit voiture, l’assurance, la cantine scolaire pour les enfants ou les frais d’hébergements pour leurs aînés, leurs impôts et taxes, et voient inexorablement leur pouvoir d’achat diminuer.
Bien souvent ces inégalités sociales se conjuguent avec les fractures territoriales qui, ces derniers temps, se sont encore amplifiées. Fracture médicale, fracture numérique, enclavement géographique, aggravent des inégalités que des services publics fragilisés ne parviennent plus à compenser.
Nos élites ont oublié que les français ne veulent pas simplement survivre. Ils veulent vivre, et récolter légitimement le fruit de leurs efforts.
Comme cette femme qui élève seule son enfant.
Comme ce retraité racketté par la CSG, qui a travaillé dur toute sa vie, et gagne pour toute récompense la désindexation de sa pension de l’inflation.
Comme cette veuve qui voit sa pension de réversion menacée.
Comme cet agriculteur ou ce travailleur indépendant qui croulent sous la paperasse et les normes et ne parviennent plus à joindre les deux bouts.
Comme ce salarié du public ou du privé qui mérite une revalorisation du SMIC ou du point d’indice, dont l’attente interminable résonne comme une assignation sociale à résidence ; une invitation urgente à engager ensemble un débat de fond sur les salaires et les revenus dans notre pays.
Fabrice BRUN, Député de l’Ardèche.
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