Autoriser à nouveau les néonicotinoïdes pour protéger les betteraves serait à mon sens une double erreur.

Tout d’abord parce qu’on ne joue pas avec la mortalité des abeilles et des apoïdes sauvages. Même si le technicien agricole de formation que je suis n’ignore ni le caractère non mellifère de la betterave, ni les problèmes de rémanence induits.

Mais ce serait aussi un désastre pour l’image de l’agriculture française, anéantissant, par un totem dans l’opinion, les efforts réalisés pour garantir une alimentation saine, accessible et durable.

Il ne faut pas faire ce cadeau aux intégristes de l’agribashing, ni à tous ceux qui se complaisent dans un processus de simplification extrême de la pensée.

Cette question est complexe et c’est l’occasion de poser une bonne fois pour toute le débat sur le fond. Et d’affirmer que quand les pouvoirs publics décident d’interdire une matière active, ils doivent désormais s’assurer que les agriculteurs disposent d’une alternative techniquement fiable et économiquement viable.

À défaut, vous imposerez de nouvelles distorsions de concurrence pour l’agriculture française, vous continuerez d’affaiblir notre pays par l’importation de produits agricoles de pays tiers, qui ne respectent pas les mêmes normes sanitaires et sociales que nous.

Tout le monde y perdra, les paysans, les consommateurs, l’emploi, pour un bénéfice environnemental a démontrer, puisqu’on ne fait que déplacer le problème ailleurs, à l’extérieur de nos frontières. On a connu ça avec la cerise et tant d’autres productions.

Il faut être clair. Si l’on n’impose pas demain les mêmes conditions aux importations, cela revient à offrir un avantage décisif à la concurrence étrangère. Et à favoriser ainsi exactement le mode de production que l’on prétend dissuader.

L’issue de ce débat est important, pour concilier économie et écologie. Cela passe par le progrès technique et scientifique, par le doublement des budgets de recherche, par l’acceptation du temps long.

Car, et c’est l’INRA qui le dit (et ce n’est qu’un exemple) pour trouver un plant de vigne résistant à l’oïdium et au mildiou, il faudra entre 15 et 20 ans.

Un temps long à concilier, avec un Etat qui se donne enfin les moyens de ses ambitions, tant en terme de recherche que d’accompagnement des filières et d’indemnisation des producteurs.

Fabrice BRUN, député de l’Ardèche.

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