À l’occasion de la journée mondiale d’Alzheimer, retrouvez la tribune que nous publions avec mon collègue Pierre Morel À L’Huissier et de nombreux parlementaires membres du groupe d’études Alzheimer.

N’oublions pas Alzheimer

Nous sommes au tournant de la santé du XXIe siècle. Nous ne faisons pas seulement face à de nouveaux risques épidémiques, mais aussi à un ensemble de pathologies qui prennent une ampleur sans comparaison avec les générations précédentes.

À l’instar de l’ensemble des troubles cognitifs et psychiques, la maladie d’Alzheimer souffre en France d’un voile pudique qu’on lui jette. Bien sûr, tout le monde a entendu parler d’Alzheimer. 3 millions de nos compatriotes sont concernés (avec les proches aidants) et nous diagnostiquons 250 000 nouveaux cas chaque année.

Dans l’imaginaire collectif, nous nous représentons une personne âgée, immobile, dépendante, avec des difficultés pour s’exprimer. Nous voyons nos malades comme des personnes déjà condamnées, qui oublient tout et ne ressentent plus rien. La réalité est pourtant bien différente.

En cette journée mondiale de lutte contre la maladie d’Alzheimer, placée sous le signe de la solidarité et de l’intergénérationnel nous souhaitons adresser une parole politique forte à l’ensemble des personnes affectées par la maladie ainsi qu’à leurs proches qui ont vécu des moments éprouvants durant la crise sanitaire.

C’est bien de cela dont souffre la maladie aujourd’hui : un manque d’engagement de la part de nos politiques publiques. Il s’agit pourtant d’un enjeu de santé publique majeur. On estime que nous aurons 2 millions de malades en 2040, rien que sur les personnes de plus de 65 ans.

Il y a 1 an, nous avons annoncé la création d’un Groupe d’études parlementaires pour redonner un élan à ce combat. C’est fait ! Notre objectif est de relancer un Plan national maladies neuro-dégénératives comme en 2008 puis en 2014, non renouvelé depuis 2019. Nous sommes 38 Députés et Sénateurs mobilisés.

Depuis, nous avons rencontré la plupart des acteurs mobilisés : associations, fondations, médecins, chercheurs, aidants…

Certains sont optimistes avec l’arrivée d’un nouveau médicament, l’aducanumab, autorisé depuis juin aux États-Unis, bien que questions demeurent sur son efficacité. Il reste toutefois porteur d’espoir : si l’on se donne les moyens, nous sommes capables grâce à la recherche de trouver des solutions pour nos malades. La crise sanitaire nous l’a cruellement rappelé.

En attendant, nous nous devons de revoir entièrement la prise en charge de la maladie et d’inscrire la recherche en faveur d’Alzheimer au plus haut de nos priorités en matière de santé.

La prise en charge, car l’on sait aujourd’hui que plus la maladie est décelée tôt, plus nous pouvons limiter et retarder son développement. Ce message est essentiel puisque des jeunes sont affectés. Il ne s’agit pas d’une « maladie de vieux », bien au contraire ! On dénombre aujourd’hui 20 000 cas avant 65 ans, parfois dès 30 ans.

La prise en charge, car les structures accueillant les malades sont trop peu équipées et surtout, elles ne sont pas prêtes pour l’avenir. Cela impacte à la fois les patients, leurs proches et les soignants. Il faut former les équipes et leur donner la parole : ce sont elles qui savent quels sont les besoins.

La reconsidération des proches aidants doit aussi être l’une de nos priorités, ils sont 2 millions à être directement concernés par Alzheimer. Leur travail est remarquable : qui parmi nous est prêt à assumer la responsabilité 24h sur 24h d’un parent qui, parfois, ne nous reconnaît plus ?

La création d’une cinquième branche de la sécurité sociale, consacrée à la dépendance, est un signe d’évolution des mentalités, mais il faut que les financements suivent. L’indemnisation du congé de proche aidant – qui sont d’ailleurs en majorité des femmes, prévu par la loi de financement de la sécurité sociale de 2020, était un premier pas dans la reconnaissance de l’épuisement physique et mental de ces personnes

À ce titre, il nous faut aussi renforcer la présence d’équipes mobiles de gérontopsychiatrie sur l’ensemble du territoire afin que les familles ne soient pas abandonnées, surtout dans les déserts médicaux.

Enfin, avoir une parole politique forte c’est permettre une évolution de la mentalité autour de ces maladies : ne plus voir les malades par ce qu’ils n’ont plus, mais par ce qu’ils continuent de développer.

Et sur ce point, la maladie d’Alzheimer conduit à un renforcement des perceptions affectives et émotionnelles et favorise l’expérimentation de nouvelles activités notamment sportives ou artistiques. C’est tout l’enjeu du développement d’une approche sociale, complémentaire de l’approche médicale.

L’enjeu est trop important, nous ne pouvons plus reléguer et précariser les personnes atteintes et leur entourage. La question qui se pose est celle de la manière dont notre génération souhaite vivre sa santé. Il est du devoir du politique d’y répondre.

Pierre Morel-A-L’Huissier
Député de la Lozère

Fabrice Brun
Député de l’Ardèche

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