L’examen de la réforme des retraites vient de s’achever dans une grande confusion à l’Assemblée nationale, sans débat ni vote sur le report de l’âge légal.

Un examen partiel au goût amer sans vote final en raison de l’obstruction parlementaire dont la responsabilité est partagée entre la NUPES (18.000 amendements !) et le gouvernement activant la procédure du 47.1 jamais utilisée pour une réforme aussi importante que les retraites, avec pour conséquence de limiter les journées de débats sur un projet mal ficelé.

Sans vote final sur le texte certes au terme de cette première lecture, mais avec une motion de rejet et une motion référendaire que j’ai votées en mon âme et conscience, au delà des étiquettes de ceux qui les ont déposées.

Mon amendement de suppression de l’article liminaire pour faire tomber le texte a été repoussé de peu, 10 voix : 247 pour, 257 contre. Dans un débat houleux où des voix se sont élevées sur de nombreux bancs pour dénoncer une réforme purement comptable et injuste, qui n’apporte pas de réponse à la pénibilité. Injuste envers les femmes, les parcours professionnels hachés ou les carrières longues.

Le premier bilan que l’on peut tirer est que la pression continue exercée par le groupe Les Républicains a permis quelques avancées sur la revalorisation des petites retraites et la suppression du prélèvement AGIRC-ARRCO, hold-up un temps envisagé par le gouvernement sur les réserves des régimes privés de retraites.

Avec plusieurs collègues députés, nous estimons cependant que le report de l’âge légal est la mesure la plus injuste qui soit, car elle accentue les inégalités que le gouvernement prétend combattre. Avis partagé par 93% des actifs défavorables à une augmentation de l’âge légal de départ, selon un sondage de l’Institut Montaigne. Opposition que nous mesurons chaque jour sur le terrain. Car les classes moyennes et populaires ont compris qu’elles payeront le prix fort. Et que pire, cette logique ne s’arrêtera jamais : 64, 65, 70 ans… Il est temps de changer de logiciel dans un pays au bord de la crise de nerfs en raison de trois années de Covid, avec le retour de la guerre à nos portes et de l’inflation où chacun se demande s’il pourra payer la prochaine facture.

En responsabilité, nous portons la parole du pays profond, en explorant un autre chemin, entre la réforme comptable de la retraite à 64 ans d’Emmanuel Macron et le mirage de la retraite à 60 ans de la NUPES.

Ce chemin des efforts partagés, il est notamment jalonné par :

43 ans de cotisations maximum, ce qui représente déjà un effort important demandé à tous.

Un changement de braquet sur l’emploi des séniors avec des mesures incitatives, pour faciliter la retraite progressive, le tuteurage des jeunes, ou le cumul emploi retraite pour ceux qui le souhaitent. Nos emplois séniors sont une richesse pour notre économie et non un fardeau !

Une incitation beaucoup plus forte au retour à l’emploi, dans un contexte où partout il manque de bras. Les heures travaillées et donc cotisées, il faut d’abord aller les chercher dans le gisement des nombreux emplois non pourvus dans notre pays. En clair, avant de demander des efforts toujours aux mêmes, ceux qui travaillent et n’ont bien souvent droit à aucune aide, accompagnons prioritairement vers l’emploi ceux qui ne bossent pas et sont en capacité de le faire !

Une lutte contre la fraude (fiscale et sociale) beaucoup plus massive, de l’ASPA à la carte vitale biométrique par exemple.

Une politique familiale nataliste volontariste pour le moyen terme, car comme le dit si bien l’UNAF, le bébés de 2023 sont les cotisants de 2043. En effet, la démographie est la grande oubliée dans cette réforme, un comble pour un régime de retraite par répartition reposant sur la solidarité entre les générations.

Une convergence plus rapide des régimes spéciaux. Entre demain et la clause du grand père qui les verra s’éteindre dans 43 ans, il y a un juste milieu de convergence vers le régime général à 10 ans, car même si le temps du charbon est révolu, progressivité et concertation doivent primer. Plusieurs milliards d’euros sont en jeu, étant bien précisé que charité bien ordonnée commençant par soi même, le régime spécial de retraite des députés a été réformé en 2018.

Au final, ce projet alternatif au totem de la retraite à 64 ans repose en toile de fond sur la valorisation du travail, valeur cardinale de notre engagement. La récompense du mérite, de l’effort et de l’innovation qui passe avant tout par un différentiel plus important entre les revenus du travail et ceux de la solidarité.

Ce qui compte pour moi, davantage que des consignes nationales, c’est le lien privilégié que j’entretiens avec les Ardéchois qui me font confiance pour les représenter et les défendre. Ils travaillent dur, commencent tôt et sont très majoritairement opposés à cette réforme. Comme eux, je m’oppose à cette reforme injuste avec des lignes rouges clairement identifiées comme le report de l’âge légal.

Le prochain rendez-vous législatif a l’Assemblée c’est le 16 mars, date à laquelle ce texte reviendra pour le vote final dans notre hémicycle après son examen par les sénateurs. Je voterai CONTRE. Avec une conviction chevillée au corps : un autre chemin est possible, mais sans efforts réellement partagés, sans justice, pas de réforme !

Fabrice Brun, député de l’Ardèche.

En lire plus : 
– https://fabricebrun.fr/retraites-sans-justice-pas-de-reforme/
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– https://fabricebrun.fr/top-depart-de-lexamen-texte-retraites-commission-finances/

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