Le président de la République aime tellement s’écouter parler au château de Versailles que, pour la deuxième fois de son mandat, il y invite lundi le Parlement réuni en Congrès. Et il espère le convoquer à nouveau, dans quelques mois, afin que soit adoptée une vingt-cinquième révision de la Constitution. Soixante ans après la fondation de la Ve République, le Président veut une Constitution Macron. Mais la France en sera-t-elle renforcée et les Français en seront-ils plus heureux? Rien, dans les trois projets de loi présentés, ne répond directement aux attentes de nos compatriotes : ni la diminution de l’immigration, ni la sécurité nationale, ni les questions économiques et financières ne sont abordées.

Pire encore : sous l’apparence de mots sucrés (responsabilité, modernité, efficacité), la pseudo-transformation vantée par Emmanuel Macron est, en réalité, une régression antidémocratique. Pour la première fois depuis 1958, un président de la République propose de triturer les institutions afin de diminuer les libertés de nos concitoyens. Parce qu’elle a pour mission de faire entendre la voix des Français, l’Assemblée nationale est attaquée au bazooka.

Pendant que les députés macronistes passent des nuits à babiller pour savoir si le mot « climat » doit désormais être mentionné à tel ou tel article de la Constitution (ce qui ne servira à peu près à rien), le vrai sujet est ailleurs. La domestication, la décomposition et la démolition de l’Assemblée nationale sont en marche. Le Président veut, tout simplement, un Parlement encore moins puissant, encore plus obéissant. Et il souhaite y parvenir en inventant une combine : la création de deux catégories de députés, selon un mode de scrutin bizarre concocté à l’Élysée.

Bientôt deux types de députés ?

Rappelons que le principe du scrutin majoritaire consiste à élire le candidat qui a le plus de voix ; celui du scrutin proportionnel permet, au contraire, d’élire des candidats qui, par définition, n’ont pas le plus de voix et qui, par conséquent, auraient dû être battus puisqu’ils n’ont pas su convaincre une majorité des Français. Un système mixte – un scrutin majoritaire complété par une dose de proportionnelle – est typique de la logique macronienne du « en même temps ». Quel que soit le volume de la dose (que M. Macron envisage à au moins 15% des 404 futurs députés), c’est son principe même qui est contestable.

Si l’on suit cette logique, en effet, il y aurait demain, en France, deux types de députés. La première catégorie serait celle de professionnels de l’expression médiatique, actifs dans les états-majors des partis politiques, sans lien nécessaire avec les Français ; la seconde catégorie serait celle de députés qui auraient plus de difficulté qu’aujourd’hui à entretenir un vrai lien avec les Français, puisque leur territoire d’élection serait immense. Est-ce ainsi que M. Macron imagine recréer de la confiance?

Le « devoir » de sauvegarder la Ve République

La coexistence de ces deux catégories affaiblirait nécessairement l’Assemblée nationale. Car si elle représente aujourd’hui la nation assemblée, c’est parce que ses membres ont tous subi la même épreuve du suffrage universel direct et que, dans une circonscription, ils ont recueilli le plus grand nombre de suffrages de Français. Avec la combine proposée par M. Macron, des candidats battus seront quand même élus. Et il est possible que cette mauvaise cuisine électorale débouche sur un scénario à l’italienne, avec une Assemblée nationale aussi faible qu’instable.

Si une diminution du nombre des membres du Parlement peut être légitimement envisagée, la combinaison d’une réduction d’un tiers et de l’introduction d’un mode de scrutin mixte est de nature à affaiblir profondément la mission constitutionnelle de l’Assemblée nationale et sa légitimité à incarner, par délégation de la nation, un pouvoir de l’État. Ce serait le triomphe de la technocratie et la défaite de la démocratie.

C’est précisément ce que souhaite M. Macron : concentrer tous les pouvoirs, dans ses mains et dans celles des techniciens qui composent sa cour. Parce que nous défendons les libertés des Français, nous avons le devoir de sauvegarder la Ve République et de refuser la Constitution Macron. »

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