Notre pays est aujourd’hui divisé par une véritable fracture numérique, avec d’un côté les agglomérations et les métropoles urbaines connectées au très haut débit, dotées de la fibre et de la 4G, et de l’autre des zones rurales et de montagne, où l’accès au bas débit est bien trop souvent la norme, avec des problèmes récurrents de connexion au réseau. Double peine, elles sont aussi souvent mal desservies en téléphonie mobile, pudiquement désignées sous le nom de « zones blanches » ou « zones grises ».
Pour ces territoires de la France périphérique, cette couverture numérique défaillante est un handicap majeur en termes de services à la population, d’attractivité économique, touristique et éducative. C’est tout simplement une question de citoyenneté.
Ce handicap est d’autant plus mal ressenti par les habitants et les élus locaux de ces territoires que lorsque les opérateurs consentent à implanter le très haut débit qu’ils financent sur fonds propres en zones denses, agglomérées, rentables, alors que nos collectivités doivent mettre la main à la poche pour financer le déploiement des infrastructures numériques.
Un reste à charge de 300 à 500 euros la prise FTTH, c’est colossal pour nos communes et nos communautés de communes. Ce sont des millions d’euros à la charge des contribuables locaux. Je m’appuie sur l’exemple de l’expérience d’Ardèche-Drôme Numérique – ADN –, programme pour lequel il manquait 147 millions d’euros de l’État, débloqués de haute lutte par le Premier ministre au début de 2018, et j’en profite pour le remercier à nouveau.
A cette fracture numérique s’ajoute une dégradation continue et rapide des services de téléphonie fixe, l’opérateur historique ayant clairement fait le choix de ne plus investir sur l’entretien du réseau filaire dans les zones de pente et de montagne.
La privatisation de France Télécom, amorcée par Lionel Jospin en 1997, a permis de créer, à terme, un géant français du numérique, ce dont on ne peut évidemment que se réjouir, mais elle a également signé l’incapacité de l’État à assurer un service numérique universel, accessible à tous, en tout point du territoire.
Les clients des opérateurs de téléphonie et des fournisseurs d’accès à internet situés dans les zones dites « grises » et « blanches » subissent de nombreux dysfonctionnements alors qu’ils s’acquittent pourtant des mêmes factures que les abonnés des métropoles :
– coupures des communications et/ou communications hachées ou inaudibles ;
– impossibilité récurrente d’être joint sur son téléphone portable ;
– connexions internet lentes et/ou hachées ;
– dégradation du service de téléphonie filaire du fait d’un manque d’entretien des réseaux ;
– délais d’action des services d’intervention des opérateurs anormalement lents en cas de panne.
C’est dans cette perspective que j’avais demandé la création d’une commission d’enquête parlementaire sur le sujet pour révéler les responsabilités des uns et des autres sur la fracture numérique.
Ma collègue Marie-Christine Dalloz a fait récemment discuter dans l’hémicycle une proposition de résolution relative à la couverture numérique du territoire. Cette discussion a été l’occasion d’interpeller le gouvernement.
Au cœur de l’été 2018, l’Agence du numérique, pilotée par le ministère de l’économie et des finances, écrivait aux élus dans les départements de France pour leur préciser les engagements du New Deal avec les opérateurs. Pour l’Ardèche, suite à un travail de lobbying intense, il s’agit de dix-neuf nouveaux sites de téléphonie mobile en 2019, avec une promesse de dix supplémentaires en 2020, et à nouveau dix de plus en 2021.
Au terme d’une consultation, un arrêté a été pris, prévoyant que ce ne sont pas les opérateurs qui décident des lieux concernés, mais les collectivités locales et le ministre. Selon le gouvernement les opérateurs disposent d’un à deux ans – un an si la collectivité met le terrain à disposition et deux ans si ce n’est pas le cas – pour financer les pylônes et les mettre en service.
Il s’agit d’une annonce positive, mais je jugerai sur les actes et les répercussions concrètes sur le terrain et je ne n’hésiterai pas à revenir à la charge. Parole d’Ardéchois !
Fabrice Brun, député de l’Ardèche.