Après sept ans à la tête du ministère de l’Économie, Bruno Le Maire cherche à se refaire une jeunesse après avoir joué à la cigale. La piste envisagée, une nouvelle vague de «définancement» de la Sécurité sociale, méthode de plus en plus ouvertement utilisée comme moyen pour pallier les lacunes de la politique économique et fiscale de l’État. Prise en charge médicale modulée en fonction des revenus, abandon de la médecine de ville et des établissements privés, baisse de remboursement des affections longue durée, baisse du remboursement des transports sanitaires etc. Tous les acteurs du soin sont unanimes : l’État n’envisage les politiques de santé qu’à court terme nous rapprochant inexorablement d’un effondrement. Aucune vision pluriannuelle que nous appelons de nos vœux depuis des années, une confiance rompue avec les acteurs… ministre après ministre, avec méticulosité, les maillons essentiels de notre système de santé sont fragilisés.
Le premier de ces maillons reste la formation de nos médecins. Nous formons le même nombre de médecins qu’en 1970… avec 15 millions de personnes en plus, une population vieillissante et une augmentation du nombre de maladies chroniques. Malheureusement, le devenir de nos déserts médicaux repose encore sur un système inique qui fait fuir nos étudiants à l’étranger : plus de 15.000 de nos talents quittaient la France en 2022, 45% des nouveaux inscrits au tableau de l’ordre des dentistes se sont formés à l’étranger, trois quarts des effectifs des amphis espagnols en kiné sont Français… En la matière, le gouvernement, dès son énième remaniement, a une nouvelle fois montré les muscles, concocté de nouveaux effets d’annonces : émissaire à l’étranger par-ci ! Permanence des soins par-là !
Rien de tout ceci ne permettra de pallier les pénuries de médecins. Entérinons plutôt la proposition de loi de territorialisation de la formation – adoptée en première lecture en fin d’année 2023 – qui s’attaque aux véritables carcans de la formation en médecine en France : en finir avec le double parcours PASS-LAS, rapatrier nos étudiants partis à l’étranger, permettre le redoublement de la première année d’études, territorialiser les stages, graver dans le marbre les passerelles des métiers paramédicaux vers la médecine. Le gouvernement et son administration continuent pourtant de s’autosatisfaire : «Nous formons plus depuis la loi de 2019». En effet, on compte 13% d’étudiants en plus, mais ce petit pourcentage est largement en deçà des objectifs escomptés et ne couvre même pas les besoins liés aux départs à la retraite de nos médecins (1 arrivant pour 3 retraités).
Alors que notre hôpital public ne tient plus que sur un fil, un autre maillon est, lui aussi, grandement fragilisé : la médecine de ville, en particulier nos établissements privés. Malgré les multiples intentions des gouvernements en faveur du virage ambulatoire, les traces du passage de Marisol Touraine qui a dramatiquement accéléré la centralisation autour de l’hôpital public, sont encore là et indélébiles. Rien n’a été consenti pour inverser la tendance d’une bureaucratisation de l’hôpital avec 34% de personnel non-soignant en France, contre 26% en Italie, 25% en Allemagne. Pire, la dernière crise sanitaire a renforcé cette centralisation, mettant toujours plus de côté la médecine de ville alors qu’elle constitue aujourd’hui la clef de voûte du plan de sauvetage de notre système de santé.
En témoigne l’énième croisade du gouvernement contre l’hôpital privé : les annonces de Frédéric Valletoux concernant le financement de nos cliniques, et ce, sans concertation ni dialogue, ont fait l’effet d’une bombe. Le rôle du privé, qui concentre pourtant un tiers des établissements de notre pays, pivot complémentaire de l’hôpital public dans nos territoires, a purement et simplement été déconsidéré. Arguant une hausse de leur activité pour 2024,
ignorant que 68% des maternités privées et 73% des services d’urgence seront déficitaires en 2024, le gouvernement sous-financera – comme rarement il l’a fait – nos cliniques, soit, en bout de chaîne, la prise en charge de neuf millions de patients. En 2024, les ressources seront en augmentation de 4,3% pour l’hôpital public mais stagneront à 0,3% pour le secteur privé alors que l’inflation s’élève à 4%. Les principaux acteurs de l’hospitalisation craignent désormais de ne plus pouvoir maintenir leur présence dans les territoires en observant que 60% d’établissements privés pourraient être déficitaires dans les prochaines années. Des arrêts d’activité en cascade sont donc à prévoir sur tout le territoire.
Comment le gouvernement a-t-il pu rompre le lien de confiance avec ceux qui maillent notre territoire pour nos aînés, nos proches en situation de handicap et de dépendance et contribuent au quotidien, à construire le virage domiciliaire ?
Plus concrètement, une maternité privée du sud de la France, qui fait naître 3000 bébés par an, a vu son contrat d’électricité passer de 400.000 euros par an en 2021 à 1,3 million d’euros en 2023, ainsi que 15% de hausse des contrats de blanchisserie et de restauration. La coopération public/privé, ville/hôpital, le plein fonctionnement des deux jambes de notre système de santé sont déterminants. Continuer d’opposer les acteurs comme le fait le gouvernement c’est l’assurance de créer les conditions d’une perte de chance pour de nombreux Français et un appauvrissement chronique de l’offre de soins. Médecins, du public et du privé connaissent bien la complémentarité de ces deux modes de prise en charge dans les moments les plus difficiles. Que dire aussi, de l’abandon pur et simple de nos EHPAD. Sept EHPAD sur dix sont en déficit, les établissements ne peuvent plus régler leurs charges de fonctionnement. Pour tenter de répondre à la crise : six ans d’attente d’une loi grand âge et une loi bavarde sur le «bien vieillir» maintes fois reportée et finalement dévitalisée.
Enfin, l’un des maillons essentiels reste et restera ceux qui portent au quotidien notre système de santé. Là encore, le message envoyé par le gouvernement, au-delà des reconversions d’anciens ministres dans la médecine esthétique, est à rebours de l’urgence. Nos médecins libéraux, sans compter ceux qui déplaquent ou partent en retraite, dénoncent l’enlisement des négociations conventionnelles et des contreparties demandées par l’administration, au pied du mur. Nos infirmiers libéraux, de leur côté, désespèrent de voir un jour leurs conditions de travail, leur statut et leur rémunération décoller. Aujourd’hui la profession le fait comprendre en cessant son activité partout en France. Il devient urgent de revaloriser le statut de nos infirmiers libéraux qui constitue le meilleur investissement pour faire du virage domiciliaire une réalité. Nous appelons encore de nos vœux l’examen d’une proposition de résolution à ce sujet.
Passons également la situation catastrophique de la prise en charge du cancer par le définancement de l’innovation thérapeutique ou encore les 21 départements non pourvus en soins palliatifs alors que s’ouvre un projet de loi de prise en charge de la fin de vie. Comment le gouvernement a-t-il pu rompre le lien de confiance avec ceux qui maillent notre territoire pour nos aînés, nos proches en situation de handicap et de dépendance et contribuent au quotidien, à construire le virage domiciliaire ? Après s’être mis à dos l’hôpital public, les médecins généralistes et spécialistes, les infirmiers libéraux, les étudiants en santé, les pharmaciens, les établissements privés, vers qui le gouvernement se tournera-t-il pour assurer le soin pour tous et partout ? Pire, lorsque tous ces maillons seront brisés, où et par qui les Français pourront-ils encore se faire soigner ?
Yannick NEUDER, député de l’Isère, médecin cardiologue, vice-président de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale. Éric CIOTTI, député des Alpes-Maritimes, président des Républicains ; François- Xavier BELLAMY, député européen ; Bruno RETAILLEAU, sénateur de la Vendée, président du groupe Les Républicains au Sénat ; Olivier MARLEIX, député d’Eure- et-Loir, président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale ; Annie GENEVARD, députée du Doubs, secrétaire générale des Républicains ; Philippe MOUILLER, sénateur des Deux-Sèvres, président de la commission des Affaires sociales du Sénat ; Jean-François HUSSON, sénateur de la Meurthe-et-Moselle, rapporteur général de la commission des Finances du Sénat ; Mathieu DARNAUD, sénateur de l’Ardèche, vice-président du Sénat ; Marie-Do AESCHLIMANN, sénatrice des Hauts-de-Seine ; Pascal ALLIZARD, sénateur du Calvados ; Emmanuelle ANTHOINE, députée de la Drôme ; Jean BACCI, sénateur du Var ; Philippe BAS, sénateur de la Manche ; Thibault BAZIN, député de Meurthe-et-Moselle ; Bruno BELIN, sénateur de la Vienne ; Catherine BELRHITI, sénatrice de la Moselle ; Martine BERTHET, sénatrice de la Savoie ; Véronique BESSE, députée de la Vendée ; Étienne BLANC, sénateur du Rhône ; Jean-Baptiste BLANC, sénateur de Vaucluse ; Anne-Laure BLIN, députée du Maine-et-Loire ; Christine BONFANTI-DOSSAT, sénateur de Lot-et-Garonne ; François BONHOMME, sénateur du Tarn-et-Garonne ; Sylvie BONNET, député de la Loire ; Émilie BONNIVARD, députée de la Savoie ; Michel BONNUS, sénateur du Var ; Jean-Yves BONY, député du Cantal ; Alexandra BORCHIO FONTIMP, sénatrice des Alpes-Maritimes ; Ian BOUCARD, député du Territoire de Belfort ; Gilbert BOUCHET, sénateur de la Drôme ; Jean-Luc BOURGEAUX, député d’Ille-et-Vilaine ; Jean-Marc BOYER, sénateur du Puy-de-Dôme ; Valérie BOYER, sénatrice des Bouches-du-Rhône ; Xavier BRETON, député de l’Ain ; Hubert BRIGAND, député de la Côte d’Or ; Max BRISSON, sénateur des Pyrénées-Atlantiques ; Fabrice BRUN, député de l’Ardèche ; François-Noël BUFFET, sénateur du Rhône ; Laurent BURGOA, sénateur du Gard ; Alain CADEC, sénateur des Côtes-d’Armor ; Christian CAMBON, sénateur du Val-de-Marne ; Agnès CANAYER, sénateur de la Seine- Maritime ; Anne CHAIN-LARCHÉ, sénatrice de la Seine-et-Marne ; Patrick CHAIZE, sénateur de l’Ain ; Guillaume CHEVROLLIER, sénateur de la Mayenne ; Marta de CIDRAC, sénatrice des Yvelines ; Nathalie COLIN-OESTERLÉ, députée européenne ; Pierre CORDIER, député des Ardennes ; Josiane CORNELOUP, députée de Saône-et-Loire ; Pierre CUYPERS, sénateur de la Seine-et-Marne ; Patricia DEMAS, sénatrice des Alpes-Maritimes ; Vincent DESCOEUR, député du Cantal ; Chantal DESEYNE, sénateur d’Eure-et-Loir ; Catherine DI FOLCO, sénateur du Rhône ; Christelle D’INTORNI, députée des Alpes-Maritimes ; Geoffroy DIDIER, député européen ; Julien DIVE, député de l’Asine ; Francis DUBOIS, député de la Corrèze ; Virginie DUBY-MULLER, députée de la Haute- Savoie ; Pierre-Henri-DUMONT, député du Pas-de-Calais ; Sabine DREXLER, sénateur du Haut-Rhin ; Catherine DUMAS, sénatrice de Paris ; Françoise DUMONT, sénatrice du Var ; Laurent DUPLOMB, sénateur de la Haute-Loire ; Dominique ESTROSI SASSONE, sénateur des Alpes-Maritimes ; Jacqueline EUSTACHE-BRINIO, sénatrice du Val-d’Oise ; Agnès EVREN, sénatrice de Paris ; Gilbert FAVREAU, sénateur des Deux-Sèvres ; Christophe-André FRASSA, sénateur représentant les Français établis hors de France ; Jean-Jacques GAULTIER, député des Vosges ; Laurence GARNIER, sénatrice de la Loire- Atlantique ; Fabien GENET, sénateur de la Saône-et-Loire ; Frédérique GERBAUD, sénatrice de l’Indre ; Philippe GOSSELIN, député de la Manche ; Béatrice GOSSELIN, sénatrice de la Manche ; Sylvie GOY-CHAVENT, sénateur de l’Ain ; Daniel GREMILLET, sénateur des Vosges ; Jacques GROSPERRIN, sénateur du Doubs ; Justine GRUET, députée du Jura ; Pascale GRUNY, sénateur de l’Aisne ; Victor HABERT-DASSAULT, député de l’Oise ; Meyer HABIB, député des Français établis hors de France ; Patrick HETZEL, député du Bas-Rhin ; Alain HOUPERT, sénateur de la Côte-d’Or ; Corinne IMBERT, sénatrice de la Charente-Maritime ; Micheline JACQUES, sénateur de Saint-Barthélemy ; Lauriane JOSENDE, sénatrice des Pyrénées-Orientales ; Else JOSEPH, sénatrice des Ardennes ; Muriel JOURDA, sénateur du Morbihan ; Mansour KAMARDINE, député de Mayotte ; Roger KAROUTCHI, sénateur des Hauts-de-Seine ; Christian KLINGER, sénateur du Haut-Rhin ; Daniel LAURENT, sénateur de la Charente-Maritime ; Florence LASSARADE, sénatrice de la Gironde ; Christine LAVARDE, sénateur des Hauts- de-Seine ; Antoine LEFÈVRE, sénateur de l’Aisne ; Dominique de LEGGE, sénateur d’Ille-et-Vilaine ; Marc LE FUR, député des Côtes d’Armor ; Ronan LE GLEUT, sénateur représentant les Français établis hors de France ; Henri LEROY, sénateur des Alpes-Maritimes Stéphane LE RUDULIER, sénateur des Bouches-du- Rhône ; Vivette LOPEZ, sénateur du Gard ; Didier MANDELLI, sénateur de la Vendée ; Emmanuel MAQUET, député de la Somme ; Alexandra MARTIN, députée des Alpes-Maritimes ; Pauline MARTIN, sénatrice du Loiret ; Thierry MEIGNEN, sénateur de la Seine-Saint-Denis ; Emmanuelle MENARD, députée de l’Hérault ; Frédérique MEUNIER, députée de la Corrèze ; Marie MERCIER, sénateur de la Saône-et-Loire ; Damien MICHALLET, sénateur de l’Isère ; Brigitte MICOULEAU, sénatrice de la Haute-Garonne ; Maxime MINOT, député de l’Oise ; Nadine MORANO, députée européenne ; Laurence MULLER-BRONN, sénatrice du Bas- Rhin ; Georges NATUREL, sénateur de la Nouvelle-Calédonie ; Anne-Marie NÉDÉLEC, sénatrice de la Haute-Marne ; Louis-Jean de NICOLAY, sénateur de la Sarthe ; Sylviane NOËL, sénatrice de la Haute-Savoie ; Olivier PACCAUD, sénateur de l’Oise ; Eric PAUGET, député des Alpes-Maritimes ; Philippe PAUL, sénateur du Finistère ; Jean-Gérard PAUMIER, sénateur d’Indre-et-Loire ; Cyril PELLEVAT, sénateur de la Haute-Savoie ; Isabelle PERIGAULT, députée de Seine-et-Marne ; Clément PERNOT, sénateur du Jura ; Cédric PERRIN, sénateur du Territoire de Belfort ; Christelle PETEX-LEVET, députée de la Haute-Savoie ; Stéphane PIEDNOIR, sénateur de Maine-et-Loire ; Kristina PLUCHET, sénatrice de l’Eure ; Rémy POINTEREAU, sénateur du Cher ; Alexandre PORTIER, député du Rhône ; Sophie PRIMAS, sénateur des Yvelines ; Frédérique PUISSAT, sénateur de l’Isère ; Jean-François RAPIN, sénateur du Pas-de-Calais ; Nicolas RAY, député de l’Allier ; Hervé REYNAUD, sénateur de la Loire ; Marie-Pierre RICHER, sénatrice du Cher ; Olivier RIETMANN, sénateur de la Haute-Saône ; Anne SANDER, députée européenne ; Hugues SAURY, sénateur du Loiret ; Stéphane SAUTAREL, sénateur du Cantal ; Michel SAVIN, sénateur de l’Isère ; Raphaël SCHELLENBERGER, député du Haut-Rhin ; Vincent SEITLINGER, député de la Moselle ; Elsa SCHALCK, sénatrice du Bas-Rhin ; Bruno SIDO, sénateur de la Haute-Marne ; Jean SOL, sénateur des Pyrénées-Orientales ; Laurent SOMON, sénateur de la Somme ; Francis SZPINER, sénateur de Paris ; Michèle TABAROT, députée des Alpes- Maritimes ; Philippe TABAROT, sénateur des Alpes-Maritimes ; Jean-Pierre TAITE, député de la Loire ; Jean-Louis THIERIOT, député de Seine-et-Marne ; Isabelle VALENTIN, députée de la Haute-Loire ; Pierre VATIN, député de l’Oise ; Anne VENTALON, sénatrice de l’Ardèche ; Jean-Pierre VIGIER, député de la Haute-Loire ; Jean-Pierre VOGEL, sénateur de la Sarthe.